Quand la massothérapie rapproche des autres… et de soi-même
En 2012, je quitte définitivement le monde corporatif. Les ressources humaines sont devenues inhumaines à mes yeux. La vie a roulé à plein régime, trop longtemps, et jen’ai plus envie de carburer à l’adrénaline. Mon corps, ma tête et mon cœur me hurlent de ralentir. Je veux apprécier la vie, « comme un cadeau dont on défait les ficelles chaque matin » — ma citation préférée de Christian Bobin, auteur. Je veux veiller davantage sur ma santé, revenir à l’essentiel et, surtout, créer des contacts humains de qualité.
En choisissant la massothérapie comme nouvelle carrière, mes objectifs étaient clairs d’entrée de jeu : travailler auprès des personnes âgées et dans les établissements de santé. Je ne me suis pas lancée immédiatement à temps plein comme massothérapeute. J’ai eu le bonheur de baigner dans le monde de la formation en massothérapie durant cinq ans et d’avoir une pratique privée à temps partiel pour laquelle ma clientèle était composée en grande partie de personnes souffrant de douleurs chroniques. Ces années m’ont permis d’être une ambassadrice de la FQM auprès des étudiants et des massothérapeutes. Quand j’ai appris l’existence de la Fondation de la massothérapie, un autre rêve est apparu devant mes yeux, car il concrétisait mes objectifs de carrière de base.
À mon compte à temps plein depuis seulement un an, c’est le 26 février 2019 que je suis devenue officiellement une massothérapeute de la Fondation de la massothérapie. J’allais représenter cet organisme et rejoindre une équipe de professionnels au grand cœur. Je n’ai pas de date ni de lieu d’affectation, mais j’ai confiance. Tout ira pour le mieux.
Quelques jours plus tard, on me propose de remplacer une collègue blessée qui devait être affectée à l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM). Là, j’allais offrir des massages à uneclientèle vivant avec de la douleur chronique découlant d’une condition cardiovasculaire.
WOW ! Je me demandais si j’allais être à la hauteur. Je ne savais pas à quoi m’attendre concrètement. Le défi est de taille : accueillir une personne qui, en plus de vivre avec des douleurs persistantes, avait dû flirter avec la possibilité de perdre la vie, ou encore devaitvivre avec une défaillance qui, chaque jour, lui rappelle que la vie est fragile.
J’ai respiré un grand coup et je me suis dit exactement ce que je me disais du temps où je recrutais des gens : « Sois une page blanche, accueille ce qui est, peu importe ce que c’est ». La massothérapeute en moi a aussi fait écho : « Sois à l’écoute avec tous tes sens etn’oublie pas de respirer ».
D’accord, mais ensuite ?
Bien sûr, je sais que certaines opérations à cœur ouvert laissent de terribles cicatrices qui ont un impact sur tout le fascia.
Bien sûr, je sais que des personnes peuvent vivre avec un pacemaker.
Mais j’étais loin d’envisager que je rencontrerais un patient ayant vécu une erreur médicale et qui, malgré la douleur qui l’assaillait de la racine des cheveux jusqu’au bout des orteils, poursuivait son boulot, se questionnait et avait ce désir de s’en sortir, car à 40 ans, il est trop tôt pour être déclaré invalide.
J’étais loin d’envisager que je rencontrerais cette dame de 65 ans qui, en plus de ses douleurs, était toujours en quête de vivre enfin sa féminité et de se libérer du trauma de l’abus sexuel.
J’étais loin d’envisager que je ferais la connaissance de cette jeune femme colorée suivie en santé mentale parce que différente qui aurait d’intenses secousses corporelles durant le massage, car, enfin, son système nerveux lâchait-prise.
Malgré le fait que l’on a parfois l’impression que les douleurs impliquent constamment les mêmes zones, ce sont plus que des zones de tension. Il s’agit d’une histoire personnelle quemon travail de massothérapeute me demande d’approcher avec tout le respect qui se doit, au meilleur de mes connaissances et compétences.
En parallèle de mon travail à l’ICM, on m’a proposé de masser en CHSLD, au cœur du CIUSSS de l’Est-de l’Île-de-Montréal. Grâce au partenariat avec l’Association québécoise de la douleur chronique (AQDC), j’ai pu également prodiguer des soins à une vingtainede personnes. J’aurais tant d’autres histoires humaines à raconter.
L’année 2019-2020 a été remplie sur le plan de l’implication avec la Fondation de la massothérapie. Aujourd’hui, je me sens privilégiée et comblée, car j’exerce un métier que j’aime, dans un milieu que j’aime et avec des gens que j’aime. Me rapprocher des gens, c’estme rapprocher de moi.
– Nathalie Casalenta, massothérapeute agréée certifiée
Tiré du rapport d’activités 2019-2020
Rapport 2019-2020_Fondationƒ_LR